Silhouette longiligne, visage fatigué, le grand boubou trempé de sueur, l'homme n'est que l'hombre de lui-même. Difficile d'imaginer que celui qui figure sur la même photo que Iran Ndao est bien Taïb Socé. Libéré ce 23 septembre, à la suite d'une collecte de fonds par le biais d'un téléthon, le prêcheur semble avoir laissé ce qui lui restait d'énergie à la prison de Reubess. Son deuxième séjour carcéral (27 juillet-23 septembre) a eu raison d'un homme pourtant réputé sans concession.
Rigide. À cheval sur ses convictions islamiques... Les qualificatifs manquent pour décrire, dans tous ses aspects, oustaz Taïb Socé. Ses prêches caustiques à travers lesquels il n'accorde aucune forme de rédemption aux mécréants, ont fini de faire sa réputation depuis au milieu des années 1990. "Yallah dinala lak" (Dieu t'enverra en enfer) ! C'est la sentence sans appel qu'il ne cesse de lancer tout le long de ses émissions, d’abord à Dunyaa puis sur la Rfm, à l'endroit des pécheurs multirécidivistes.
Cette rigidité dans l'interprétation des textes islamiques est la résultante d'un apprentissage éprouvant entre les mains de son père, Mouhamadou Lamine Socé et de son oncle maternel, tous deux maîtres coraniques. Né à Médina Sabakh (département de Nioro) et cadet de sa fratrie, son père a très tôt fait de lui son héritier, le dépositaire du legs, celui qui doit s'occuper de la pérennité de l'école coranique. Une lourde tâche sur les frêles épaules du gamin qu'il était. Mais aussi une source de motivation qui a fini par être payante.
Karantaba
"Très jeune, je rouspétais du fait que mes frères allaient à l'école française pour certains et d'autres à celle anglaise (en Gambie) et pas moi. Mon père me dit : ‘je veux que tu sois le gardien du temple, celui qui va perpétuer mon œuvre dans cette école coranique'", se souvient Oustaz Taïb. Après le décès de son père, son parcours commence à épouser les contours des montagnes russes avec des virages vertigineux. Le jeune Taïb est contraint par sa mère de quitter le cocon familial pour aller parfaire ses connaissances islamiques chez son oncle maternel à Keur Madiabel, conformément aux dernières volontés de son père.
Après avoir réussi son baccalauréat arabe à Médina Baye, Taïb à qu'on affublait du nom de Karantaba pour sa maitrise de la lutte pure qui n'a rien à envier à Yékini, devient candidat à l'émigration clandestine dans le but d'aller poursuivre ses études en Libye. Dans cette quête de connaissance, lui et un groupe d'amis bravent les routes mortifères du désert du Sahara.
"En 1986, quand Ronald Reggan bombardait la Libye, on était à Benghazi. Comme font les jeunes d'aujourd'hui à travers ‘mbeuk mi' (l'immigration clandestine), on avait fait la même chose pour se rendre en Libye afin de poursuivre nos études", raconte-t-il.
Chef de Desk
De retour à Dakar en 1994, téméraire et très entreprenant, Taïb s'ouvre les portes des médias. "Je donnais des cours au défunt Pdg de Dunya Fm, Ben Basse Diagne. Quand il a lancé la radio Dunya Fm, il a fait de moi le chef de Desk religion, se rappelle-t-il. C'est ainsi que j'ai commencé à faire des émissions."
La magie des médias aidant, il se taille une aura de vedette médiatico-religieuse incontestée au courant des années 2000. Rétif au monopole, son challenge était de surclasser le duo Moustapha Guèye-Ousmane Sanké de "Tontou Bataxal" sur la Rts qui avait fini de faire du prêche médiatique sa chasse gardée.
Descente aux enfers
Oustaz Taïb le réussissait bien. Sa carrière filait droit sans accroc sur la bande fm (Rfm). Jusqu'au jour où celui qui était adulé pour ses interprétations sans complaisance des textes coraniques se retrouve empêtré dans une affaire d'escroquerie. La terre se déroba sous ses pieds. Sa réputation de véridique traînée dans la boue. Le voilà balafré par les critiques les plus sordides qui lui collent le qualificatif "d'escroc en Djellaba". Ceci, sans se préoccuper pour autant des péripéties de cette affaire, point de départ de sa descente aux enfers. Un scandale de trop après celui de Cheikhou Shérifou pour lequel il jure n'avoir été qu'un interprète pour le petit illuminé.
Arrêté en 2011 par la Division des investigations criminelles (Dic), il a été condamné à 5 ans de prison dont 3 ans ferme à la suite d'un procès en appel pour une affaire d'escroquerie sur de l'or. Condamné à perpétuité par le jury populaire de la société sénégalaise, le retour sur les ondes fut très dur pour oustaz Taïb Socé.
La flamme reprend à petites étincelles mais force est de reconnaître qu'on est loin des années de braise. Les années où le mythe Taïb Socé était intact et fascinait plus d'un. N'empêche, bien que challengé (défié) par une horde de prêcheurs de la trempe des Iran Ndao, Alioune Sall et jusque dans son propre antre (Futurs Médias) par Pape Hann et les autres, oustaz Taïb garde tout de même sa petite parcelle de capital sympathie.
8 Commentaires
Al Hamdu Lillahi
En Septembre, 2019 (18:27 PM)Kun
En Septembre, 2019 (19:15 PM)Baol-tigui
En Septembre, 2019 (19:16 PM)Young
En Septembre, 2019 (23:01 PM)Babso
En Septembre, 2019 (05:27 AM)Iran ndaw pouvait mieux faire.
Le faire sortir discrètement pendant la nuit sans aucun spectacle et le laisser rentrer chez lui et récupérer. Apres 2 semaines, il peut faire son apparition sur la scène publique.
Mais apparaître dans un tel état piteux est irespectable .
Mais Iran et son équipe veulent faire du spectacle .... C'est malheureux même si l'action du teleton a été saluée positivement et a permis sa libération
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